Supprimer ou pas ? Telle est la question

Le cas d’@InfoComCGT

12 mai 2020

Voici une question que le community manager se pose régulièrement et que le gros pétage de câble de celui d’@InfoComCGT ce week-end me donne l’occasion d’illustrer habilement (-> non pas du tout).

Le contexte général : la CGT n’est pas jouasse parce qu’elle trouve sa pote CFDT un peu trop proche du MEDEF et du Gouvernement, et que ça discute dans les coins, là même où se portent leurs sourires. Sauf que Cégette ça ne la fait pas marrer et ça tout le monde le sait depuis longtemps.

Le contexte particulier : samedi soir, fin de confinement. J’aurais même parié au départ pour une sortie de skypéro. La suite prouve que non, pas forcément.

Note du cas

Créativité
3.5/5
Réactivité
0.5/5
Pertinence
1/5
Ligne éditoriale
3/5

Le feu aux poudres :

Tweet InfoComCGT
Capture d'écran - tous les tweets ont été depuis supprimés

On a donc un compte CGT des professionnels du secteur information/communication – ça ne s’invente pas – qui partage un photomontage du patron de la CFDT et de celui du MEDEF, dans une position non équivoque.

Je passe sur la lourdeur de cette blague potache. C’est bête, méchant et homophobe mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Ce qui nous intéresse, ce sont les réactions des internautes. Et assez vite on se rend compte que la publication n’a pas visé juste.

On dit que le travail du CM commence une fois le contenu publié. On est en plein dedans ! Quand on publie un contenu, il faut rester connecté et guetter les premières réactions. D’abord parce que vous n’êtes pas à l’abri d’une énorme faute d’orthographe et que dans ce cas, vos abonnés vous le feront remonter bien vite. C’est la base. Mais également parce que comme ici, les premières réactions vont vous donner un aperçu de la réception de votre publication. Il n’est alors pas encore trop tard pour agir si vous vous êtes trompé.

Un exemple :

Il y a peu de temps, j’ai cru malin de publier une vidéo de fitness de JCVD. Pourquoi ? Parce que je suis fan de ce type, que c’est un meme à lui tout seul, que le contenu était pertinent pour ma ligne éditoriale et que je me disais que ça ferait marrer ma communauté. Il s’est écoulé moins de deux minutes avant qu’un abonné me fasse remarquer que partager les contenus d’un type ouvertement homophobe n’était pas top. Une rapide recherche et je m’apercevais bien vite que j’avais raté une polémique au sujet de l’acteur en 2018. À la télévision il avait tenu des propos homophobes avant de s’excuser en disant qu’il avait lui-même un cousin homosexuel. Good job man. Masterclass.

Je n’ai pas hésité plus longtemps, j’ai supprimé mon contenu. Est-ce que ça veut dire que je ne publierai plus jamais de contenus concernant JCVD ? Sans doute oui. J’aurais d’ailleurs pu me souvenir qu’avant ça, il avait déjà fait scandale en se rendant à l’anniversaire du président tchétchène, Ramzan Kadyrov, qui estime pour sa part qu’il n’y a pas d’homosexuels dans son pays alors qu’il les fait interner en centre de rétention.

Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous cet extrait de son explication :

« [Les gens] pensent ce qu’ils veulent. Je les emmerde. J’adore tout le monde. Je suis un être humain qui donne la liberté à tout le monde de faire ce qu’ils font (…) Le mot “homophobique”, je ne sais même pas ce que ça veut dire ».

C’est normal Jean-Claude, homophobique ça ne veut rien dire.

Mais revenons à nos moutons, ces quelques réponses d’abonnés vous donnent une idée de la réaction générale : 

Une cata !

J’ajoute que ce qui est éloquent ici est que ce sont des abonnés classés à gauche, voire des adhérents de la CGT, qui prennent la parole. Il est important de faire la distinction parce qu’il est commun de se faire troller par des adversaires en ligne et cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut supprimer tout contenu qui dérange. Parfois, il faut assumer sa ligne coûte que coûte. Le problème ici est que c’est la base même des abonnés qui réagit négativement.

Que faut-il faire ?

Personnellement, je persiste et signe, j’aurais supprimé le contenu. Et tant pis pour les captures d’écran, tant pis pour les comptes type @fallaitpassuppr. De toute façon, passé un certain temps, beaucoup trop de gens ont vu le contenu pour tenter d’occulter l’épisode. Il faut supprimer et s’excuser proprement. Cela ne mettra pas fin à la polémique immédiatement mais c’est un premier pas. Si le contenu reste en ligne en revanche, vous pouvez être sûr que le monstre grossira jusqu’à devenir ingérable. Il est illusoire de penser que les choses peuvent se calmer d’elles-mêmes quand on est à côté de la plaque à ce point-là.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire !

Cette publication d’@infocomcgt est un cas d’école parce que son CM (mais peut-être pas lui seul – est-ce lui qui a réalisé les visuels ?) a jugé pertinent d’assumer et d’en remettre une couche pour se justifier à la suite des réponses reçues.

Réponses de la CGT

On entre alors à mes yeux dans une dimension parallèle avec un compte qui taxe le BDSM de perversion (par pitié, ne jugez pas les pratiques sexuelles de vos abonnés) et qui ensuite justifie cela par une définition trouvée sur Doctissimo ! Là on touche les étoiles. Il va même jusqu’à publier une deuxième version de l’affiche avec Muriel Pénicaud… C’en est à se demander si le compte n’a pas été piraté. Sauf qu’on retrouve la même publication sur la page Facebook. La probabilité de se faire pirater conjointement un compte Twitter ET une page Facebook est quand même très faible

Définition de BDSM trouvée par la CGT sur Doctissimo
Affiche CGT - version avec Muriel Pénicaud
La fin de l’histoire

Devant l’ampleur de la polémique, le compte a fini – plus de 16 heures après la publication – par faire ce qui devait être fait : tous les tweets ont été supprimés et un communiqué d’excuses a été partagé. Non sans une ultime boutade, bien malvenue à mon avis, puisque ce communiqué s’intitule « Info’Com-CGT prend un coup de fouet et repart au combat ». On peut légitimement douter que la leçon ait été retenue.

Idée reçue : supprimer un contenu est toujours un aveu de faiblesse

Ce n’est pas tout à fait faux. Si vous devez supprimer un contenu c’est qu’a priori vous vous êtes trompé quelque part. Autant que possible, il faut éviter de le faire. Il faut surtout éviter de se mettre en situation de devoir en supprimer un en réfléchissant bien avant la publication. Cela reste plus facile à dire qu’à faire, l’erreur est humaine. Et comme toute erreur, une fois qu’elle est faite, il faut tenter de la réparer et ne pas la reproduire.

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